De nombreuses études attestent de
différences individuelles importantes dans le traitement de l’information, tant
au niveau de la perception qu’à un niveau plus complexe, impliquant des
processus de métacognition. Bien qu’il soit difficile de dresser une taxonomie
de ces différences de style cognitif, l’existence d’un style visuel-verbal, en
relation certaine avec des processus mnésiques, attentionnels et les fonctions
exécutives (métacognition), semble attestée.
Le modèle à trois dimensions de
Kozhevnikov a plusieurs fois été démontré avec notamment une concordance entre
le style cognitif et les capacités. Les personnes qui déclaraient avoir une préférence
pour les aspects picturaux de l’objet ou pour les aspects spatiaux, étaient
celles qui possédaient le plus de compétences effectives dans le domaine.
Appliquée au multimédia, la recherche
sur les styles cognitifs peut s’avérer riche en développement. Dans la mesure
où le numérique, et notamment l’usage des tablettes, offre la possibilité, par
différentes fonctionnalités paramétrables, de tenir compte des aspects
différentiels.
Ainsi dans le domaine éducatif, il est
tout à fait possible d’inclure des présentations accompagnées d’options
différentes (représentations picturales ou schématiques) selon la préférence de
l’élève, avec la possibilité de désactiver totalement les représentations visuelles pour ceux qui
marquent une préférence pour un style verbal analytique.
En littérature jeunesse, et en
compréhension de texte, les données expérimentales sur le rôle de
l’illustration comme moyen de renforcer la mémorisation et la compréhension
(dont notamment la production d’inférences) est à prendre à considération,
notamment avant l’arrivée de nouveaux formats types e-pub qui permettent de
présenter simultanément (ou séquentiellement) plusieurs types de médias
(images, animation, texte écrits, narrations), dont on a encore du mal à
mesurer les conséquences en terme cognitif.
Pour autant, que l’on se situe dans le
cadre des théories classiques de la compréhension de texte ou des théories de
l’apprentissage multimédia, il existe de nombreuses pistes et recommandations
qui peuvent guider la conception de nouveaux formats multimédias, tenant compte
des aspects différentiels des individus.
Du point de vue de l’accessibilité, la
possibilité de fonctionnalités paramétrables qu’offre le multimédia ouvre de
nombreuses portes aux enfants en situation de handicap ou présentant un style
cognitif particulier dans le cadre par exemple du trouble du syndrome de
l’autisme (TSA), mais aussi de très nombreux autres troubles (dyslexie,
dysphasie, dyspraxie, trouble de l’attention, séquelles après un traumatisme
crânien, déficience intellectuelle, etc.) ayant une incidence sur le
fonctionnement cognitif et les apprentissages.
Face aux difficultés de compréhension,
que l’on retrouve dans l’autisme ou la dysphasie, un travail en
littérature jeunesse sur les représentations visuelles et l’ajout de pictogrammes
(type Makaton, ARASAAC), congruents avec le texte
de manière à renforcer la compréhension,
constituerait une piste. La possibilité à l’écran de guider l’attention
vers les éléments pertinents de l’image est aussi un procédé intéressant quand
on sait que les enfants autistes ont un style cognitif qui privilégie le
traitement local et la discrimination des détails.
Enfin de manière générale, il convient
de prendre en compte les données expérimentales sur la compréhension et la
mémorisation des images dans la mesure où la compréhension est sans doute un
processus complexe faisant appel à une compétence générale. La compréhension
d’un texte ou d’une image est de ce point de vue, sur le plan de l'intégration
cognitive, peu différente (Gernsbacher, Varner et Faust, 1997). Dans un monde
où le multimédia est de plus en plus omniprésent, développer les compétences de
compréhension de l'image de même qu'on travaille la compréhension d'un texte
paraît tomber sous le sens.
Comme le souligne Kozhevnikov (2010),
les capacités visuo-spatiales, parce qu’elles s’accompagnent souvent d’un
niveau d’intelligence élevé, ont très souvent été mis en avant. Une attention
particulière aux compétences visuelles de l’objet, iconiques, style
cognitif particulier que l’on retrouve chez les artistes mais également chez
les personnes autistes ou certaines personnes trisomiques au talent pictural
particulièrement développé, permettrait
de prendre en compte des intelligences différentes. Et pour cela le multimédia
parait être un environnement particulièrement adéquat.
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